La loi Hadopi arrive ; un cinéma du centre de la France piraté fait parler : le téléchargement en question
Les majors US pointent du doigt un cinéma de Vierzon (Cher) pour avoir eu comme spectateur un « pirate » qui a filmé plusieurs films en salle, afin de les mettre en ligne.
La loi dite Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) doit mettre un frein à tout cela. : analyse et interview.
En pointant du doigt un spectateur indélicat et en rendant public ses problèmes de piratage, le Ciné Lumière de Vierzon, a défrayé la chronique et a donné lieu à un reportage d’Envoyé
Spécial diffusé sur France 2 ce jeudi 19 novembre, à 20h35..
Pot de fer contre pot de terre
Pourquoi Hollywood taraude un directeur de salles de cinéma vierzonais ? Le mystérieux « THX Fuck » sévit au Ciné Lumière, un multiplexe indépendant de
7 salles de cinéma, où ce trublion du Net a pris assises depuis 2006. Il filme dans les salles les productions les plus attendues afin de les mettre en ligne ensuite sur le Web.
Plusieurs fois repris à l’ordre, le directeur de salle, ne parvient à mettre la main sur le Hacker. Enquête est ouverte. La loi Hadopi, qui vise la protection des droits d’auteurs
sur leurs œuvres diffusées sur Internet, est en discussion depuis l’été, alors qu’un cas de piratage, avéré en salle s’est révélé en France.
Mais que l’on ne s’y trompe pas, cette pratique est mondiale. Qui sait chercher, trouve sur le Net des copies pirates du monde entier. Les auteurs, et investisseurs des originaux demandent
des comptes pour contrer la contrefaçon. La mise en lumière du piratage vierzonnais à le mérite de révéler l’ampleur du phénomène, ses répercutions économiques et la mise en place de systèmes
préventifs, ou dissuasifs.
Hadopi-raté
La loi dite Hadopi est le dossier du dessus du ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a-t-il dit en prenant ses fonctions. Celle-ci a pour objectif de freiner le
piratage sur Internet des films, musiques, œuvres littéraires et plastiques. En première ligne de mire : les œuvres musicales, les films de cinéma et de télévision.
Le principe est d’avertir dans un premier temps un téléchargeur illégal, qu’il est passible de poursuites, celles-ci pouvant aller jusqu’à la déconnexion Internet de son foyer. Problème dans
le libellé de la loi : la décision relève d’un organisme indépendant, alors qu’une telle décision relève d’une décision de Justice. Le texte s’est avéré inconstitutionnel devant le
Conseil d’Etat, comme face à la loi européenne.
Plusieurs artistes se sont prononcés en faveur du texte, sans recevoir beaucoup d’échos, dans un débat qui semble bien secondaire comparé aux préoccupations actuelles des Français. Pas pour
tout le monde, car il touche de plus en plus de nos concitoyens, tant chez les professionnels que les particuliers, adeptes du téléchargement.
Le problème est tellement complexe qu’après une loi Hadopi 1 discutée au Parlement, et inapplicable, l’on est passé à Hadopi 2. Mais cette nouvelle loi pourra t’elle être mise en place et
rapidement ? Son entrée en viguer pourrait se faire en janvier prochain.
THX Fuck
Toujours est-il que l’on ne parle plus guère du sujet, qui ne manquera pas de refaire surface, alors qu’un complexe cinéma du centre de la
France vient d’être mis sous les feux des projecteurs pour avoir comme fidel spectateur un Internaut indélicat qui a filmé dans ses salles plusieurs blockbusters (Spiderman
3, Le jour où la terre s’arrêta, le Che, Yes Man…) et autres bandes, avant de les mettre en ligne.
Le directeur du Ciné Lumière a été averti par les distributeurs, qui ont détecté la salle où ont été réalisés les Camcording (enregistrement du film projeté en salle), grâce à un
code inscrit sur chaque copie de film. Francis Fourneau à alors mis en place une surveillance dans ses salles afin de repérer le contrevenant. Indéfectible, celui qui signe ses
« copies » THX Fuck sur le Web, a continué de sévir à la barbe de ses poursuivants.
Du moins jusqu’à présent, alors que le directeur des salles s’est vu pointé du doigt par les majors. Quand le piratage devient un péril pour la distribution de films en France... et
ailleurs : un cas d ‘école.
Interview de Francis fourneau, directeur du Ciné Lumière de Vierzon Chez nous, et dans des conditions de projections vraiment exceptionnelles, on peut voir n’importe quel film pour 5,5 euros ! mais effectivement ce sera toujours plus cher qu’un film « volé » sur internet !
Une situation d’autant plus difficile à tenir avec les délais de plus en plus ténus entre la sortie d’un film en salles et sa sortie DVD, qui de six mois vient de passer à quatre,
comme pour Gran Torino de Clint Eastwood, par exemple, qui s’est retrouvé dans les bacs dès juillet, alors qu’il était sorti fin février et faisait toujours des entrées. On
marche sur la tête ! En éteignant les enseignes de nos salles le 4 novembre dernier, nous avons exprimé notre mécontentement sur ces nouveaux délais et sur la contre-partie promise par le CNC qui ne vient toujours pas alors que nous apportons des solutions. La salle de cinéma, c’est la projection d’un film, mais aussi un veritable lieu de vie dans une ville. Le spectacle collectif est non seulement irremplaçable, mais c’est aussi un secteur d’emplois qui compte.
Déjà, un des bons points : Hadopi a permis l’adoption définitive d’une disposition importante pour les cinémas : l’interdiction explicite d’enregistrer un film en salle (Camcording). De ce fait, nous pouvons en cas de problème faire intervenir les forces de l’ordre. Plusieurs reseaux internet pirates sont déjà tombés. Avec l’un d’eux et grâce à leur paiement « paypal » un listing de plus de 14000 internautes ayant téléchargé illégalement des films a été saisi. Les poursuites vont suivre… |
Camcording or not Camcording
Le mode de piratage le plus commun est le Camcording qui consiste à filmer la projection en salle avec une caméra
numérique et de masteriser le film afin de le mettre en ligne sur Internet. Le fichier peut ainsi être copié par d’autres Internauts qui à leur tour.... Un procédé qui a pointé du doigt le
Ciné Lumière de Vierzon.
Toutefois, les meilleurs résultats proviennent de copies piratées depuis la production elle-même : un assistant monteur numérise une copie en fin de montage ; un collaborateur au
site d’une major diffuse des images d’un film, voire tout son contenu. Tous les acteurs de la chaîne de diffusion d’un film peuvent négocier la masterisation de copies à leur
disposition... En 2004, des films envoyés aux 3 000 votants des César étaient disponibles sur Internet moins de 24 heures après leur envoi. Grâce à qui ?
Les majors et autres distributeurs se sont fait attendre pour réagir, alors que le deal de K7, puis de DVD pirates s’est, lui, rapidement imposé. Aujourd’hui, les gains d’un
film ne se jouent plus sur sa seule distribution en salles. Les marchés de la vidéo et de la télévision assurent quelque 80% de sa rentabilité, en moyenne. N’importe quel film est aujourd’hui
rentabilisé et son bénéfice ne peut que s’accroître grâce à la multiplication des modes de diffusion. Mais c’est encore la distribution d’un film en salle qui créé sa réputation et la
motivation chez les spectateurs.
Plus d’un film a été disponible sur Internet avant sa sortie en salle et il existe un nombre incommensurable de titres téléchargeables sur le réseau. Kill Bill 2 était disponible en
DVD pirate sur le marché chinois plusieurs semaines avant sa première mondiale à Cannes en mai 2004. C’est pourquoi, par exemple, la sortie de la trilogie du Seigneur des anneaux
(titre également très protégés), s’est déroulée sur trois années successives, simultanément le même jour dans le monde entier. Ceci afin d’éviter le camcording. Dans un tel cas de
figure, le piratage d’un film baisse de 15%.
D’un côté les Hackers, de l’autre les Majors. Mais aussi la pègre qui a intégré à ses trafics la production de VHS, puis de DVD de contrefaçon. Et aujourd’hui le Net ? C’est fort
probable.
Les choix des pirates en 2009 |
Danger planétaire
C’est en Russie qu’ a été découvert en avril 2003 le plus grand laboratoire clandestin de fabrication de DVD. Produisant quelque 650.000 exemplaires par mois, environ 25.000 DVD
et 1000 masters furent saisis, Harry Potter ou Le Seigneur des anneaux cohabitant avec toute une production pornographique. Le démantèlement du réseau a suivi la menace sur
le Premier ministre russe de sanctions économiques contre la Fédération si rien n’était entrepris contre le piratage.
Réalisateurs, producteurs et distributeurs russes et d’Europe centrale n’ont de cesse de pointer le laxisme des autorités, voire leur corruption pour en être arrivé là.
Mais c’est en Chine que « le drapeau noir flotte sur la marmite ». La piraterie composerait 95% du marché du DVD dans la République communiste et coûterait 178 millions de dollars
par an aux majors hollywoodiennes, selon Le Film français, citant des chiffres de la Motion Pictures Association of America (MPAA). Magasins en sous sol, salles de
vente dissimulées dans les échoppes, sont le théâtre d’un trafic qui n’est pas sans rappeler celui de l’opium du temps de Thomas de Quincey. On ne change pas des traditions qui ont fait leur
preuve.
Les distributeurs sont toutefois parfois complices. Ainsi, des accords tacites se sont faits jour entre réseaux légaux et illégaux. Les premiers compensent ainsi un manque à gagner résultant
des problèmes de diffusion que connaissent les films dans une Chine qui ne possède que 2000 salles de cinéma pour un si grand territoire. Un problème que rencontre également la Russie où
certains États n’ont plus de salles salubres ou sécurisées et ou le prix du ticket de cinéma atteint des sommets.
C’est toutefois aux Etats-Unis que Hollywood perd le plus d’argent en raison du piratage. La MPAA a estimé à 3,5 milliards de dollars par an les pertes de l’industrie cinématographique
étasunienne sur son territoire et considère cette pratique comme « le » fléau à combattre.
La délation est encouragée avec la mise en place d’un service téléphonique gratuit pour signaler tout contrevenant, récompense à la clé. Lors des projections de presse, des caméras
infrarouges surveillent les spectateurs, afin de détecter les screeners qui auraient percé les barrages filtrants à l’entrée. La piraterie est statuée comme crime aux
Etats-Unis, que le support soit une cassette VHS, un DVD ou un fichier informatique. L’envoi de copies numériques aux votants des Oscars s’est considérablement réduit. Mais pour le président
de 20th Century Fox, « Nous travaillerons sur ce problème jusqu’à la fin de nos carrières ». A suivre.
Le site d'Envoyé Spécial